Solenn Larnicol, illustratrice et céramiste

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Découvrez le premier numéro de la revue ÉTONNANTES, ici : Étonnantes N°1
Photographies : Rémy Lidereau pour Etonnantes

As-tu toujours travaillé la céramique et l’illustration en parallèle ?
Non pas du tout. Mon métier principal est l’illustration : j’ai commencé en 2011 et à la fin de ma dernière année d’études en illustration, j’avais fait un stage de céramique avec une illustratrice qui fait de la céramique, Nathalie Choux. J’adorais son travail et je rêvais de faire de la céramique donc je l’ai harcelée, elle a accepté de me prendre en stage et ça a été un gros coup de cœur ! Je me suis jurée que je reviendrai à la céramique mais j’ai commencé à faire des livres et c’est en 2015 lors de ma dernière année à Paris, que j’ai repris un an de cours.

Qu’as-tu suivi comme formation ?
J’ai fait un Diplôme des Métiers d’Art (DMA) en deux ans et ensuite j’ai fait une FCIL : une formation pour laquelle ce sont des professionnels qui enseignaient et non des professeurs. C’est là que j’ai pu faire mon book, avoir des vrais conseils sur la façon de démarcher… Puis tout est allé vite car à la fin de cette année j’ai sorti mon premier livre : j’avais fait des planches de dessins pour un sujet à l’école, que j’avais envoyées à un éditeur avec qui je rêvais de travailler. A la base je lui avais envoyé mon book en lui demandant des conseils pour être un jour publiée chez lui mais j’ai eu la chance que l’éditeur me réponde qu’on allait faire un livre ensemble ! C’était assez magique !

Tu sais ce qui a plu à l’éditeur dans ton travail ?
Je ne sais pas, je pense qu’il faut surtout bien viser les personnes à qui l’on adresse ses propositions. Pour ce premier livre qui s’appelle « Le livre des moi », c’étaient des grandes planches avec des animaux. En fait je pense qu’en illustration, il faut avoir son style et essayer de développer son univers personnel avant tout. C’est vraiment pendant cette dernière année de formation que j’ai réussi à développer ça.

Comment définis-tu ton style justement ?
Un style c’est un peu le mélange de tout ce qu’on peut aimer, ce qui nous touche. J’aime la poésie dans le quotidien. J’ai tendance à regarder les détails dans tout ce qui nous entoure. Dans mes dessins, j’aime mettre des touches d’humour, de choses un peu drôles… Je dirais que mon univers est poétique. Et l’aquarelle m’amène à travailler des couleurs pastel, c’est aussi pour cela que je travaille la faïence, pour cette palette de couleurs infinies : je mélange, je recrée des transparences.

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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
© Rémy Lidereau pour Etonnantes

Travailles-tu différemment la céramique et l’illustration ou as-tu la même approche pour ces deux activités ?
Je ne réfléchis pas trop mais j’ai l’impression que je travaille un peu de la même façon. Pour un dessin, je ne vais jamais trop savoir vers quoi je vais. C’est souvent une couleur ou une alliance de couleurs qui vont être le point de départ d’un dessin. Je pense faire un peu la même chose en céramique. En fait je crois que si je m’attendais trop à quelque chose de précis, je serais un peu déçue une fois l’objet fini. Alors que d’aller là où je ne sais pas, il y a moins cette déception ou cette attente qui risque de m’énerver si je ne parviens pas à avoir ce que je veux.

Tu travailles donc de manière assez intuitive ?
Oui, je ne réfléchis pas moi-même à ce processus ! J’ai toujours dessiné et je crois que j’ai toujours fait comme ça : à l’envie. Je démarre mon dessin dans un coin de feuille puis comme un puzzle, je dessine une autre partie pour équilibrer et ensuite les éléments se parlent, se correspondent.

Tu as toujours dessiné depuis que tu es petite ?
Oui ! Je ne me souviens pas ne pas dessiner.

Que dessinais-tu quand tu étais enfant ? Déjà des animaux, des personnages ?
Oui, beaucoup. Des détails partout, des squelettes, beaucoup de squelettes ! J’étais un peu gothique ! Parce que dans le dictionnaire la seule page qui était en couleurs était celle où il y avait un squelette, alors ça me fascinait !

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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Tu as toujours eu envie d’avoir une carrière professionnelle artistique ?
Non pas du tout, je ne voulais pas aller là-dedans. En fait ma mère avait fait des études de stylisme-modélisme et n’y était pas arrivée après donc dans ma tête c’était : « ces études-là c’est dur, faire un métier artistique est compliqué ». Donc j’ai cherché à faire autre chose, j’ai fait un bac général où j’ai rencontré Marie, la créatrice d’Atelier Aimer, avec une option Arts Plastiques quand même, et ensuite je suis allée en fac de lettres en me disant que je pourrais être institutrice ou même factrice ! Un moment je me suis dit ça pour pouvoir faire ma tournée le matin et avoir le temps l’après-midi de dessiner ! Il fallait que j’ai du temps pour dessiner mais je ne pensais pas publier. Je ne savais même pas que l’illustration pouvait être un métier. Je trouve qu’on était hyper mal orientés. Quand on est au collège, on ne parle jamais aux élèves des métiers artistiques. Cette envie est venue bien après.

Quel a été le déclic qui t’a permis de te dire que tu voulais faire de l’illustration ton métier ?
En visitant les écoles. J’ai tenu trois semaines en fac de lettres ! Après ça, j’ai fait des petits boulots, j’ai fait plein de CIO et à chaque test d’orientation que je faisais, on m’indiquait que mon profil était « 100% art » donc il fallait que je m’oriente vers quelque chose d’artistique. Par contre je me disais toujours qu’il fallait que je rentre dans une école publique parce que j’imaginais ça comme un entonnoir : si jamais je n’arrivais pas à entrer dans une école publique, comment pouvais-je percer à la fin ? J’ai fait une mise à niveau en Arts Appliqué et c’est là que j’ai commencé à toucher un peu plus de choses : de l’architecture, du textile. J’ai commencé un BTS en communication visuelle que je n’ai pas terminé parce qu’être devant un ordi était juste horrible ! En fait il y avait des choses que je ne voulais pas : je préférais être dans un métier où je ne dessinais pas plutôt qu’être devant un ordinateur à me dégouter du dessin.
Mais je suis contente, j’ai bien fait ! Il faut se battre et y croire !

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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Tu as donc été publiée dès ta sortie de formation. C’est toi qui avait signé les illustrations, mais aussi le texte ?
Non c’est un éditeur qui est aussi auteur. Il a vu mes images et il m’a dit qu’on allait faire un livre à quatre mains.

Tu n’as jamais écrit sur tes images ?
Si, il y a un livre où j’ai fait les deux : « A bas le coton, vive l’illustration ! ». Au moment de l’écriture de ce livre, j’avais un boulot alimentaire : je vendais des culottes pour une grande chaîne de lingerie et j’en ai fait un livre car cette expérience a été assez catastrophique. C’était plutôt un journal intime donc c’était à moi de le raconter. Mais je ne me sens pas autrice. Peut-être qu’un jour j’y arriverais mais c’est comme si on demandait à un auteur de dessiner : pour moi ce sont deux métiers différents et c’est dur de faire les deux en même temps, même si certains y arrivent très bien.

Pourtant c’est déjà raconter une histoire que de dessiner ?
Oui mais c’est une histoire sur une image alors que lorsqu’on écrit, il faut tout un déroulement et pour ça j’ai du mal. J’arrive plus à m’exprimer avec l’image, c’est plus facile pour moi.

C’est comme ça aussi dans ta vie de tous les jours ?
Ahah psychanalyse ! Oui je pense que oui, ce n’est pas quelque chose qui vient tout seul pour moi. Donc c’est plus évident pour moi de sortir des choses par le dessin, mais c’est inconscient.

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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Comment travailles-tu lorsque tu illustres des albums ? Tu as déjà participé à 17 ouvrages. Est-ce l’auteur qui t’envoie son texte à partir duquel tu réalises les illustrations ?  
En général c’est ça oui. L’auteur écrit, il l’envoie à plusieurs maisons d’éditions, une maison accepte le manuscrit et ensuite c’est l’éditeur qui cherche un illustrateur. Les éditeurs aiment bien faire leur association entre les auteurs et les illustrateurs. 

Comment choisis-tu le texte que tu vas illustrer ?
J’ai rarement dit non jusqu’à présent. J’ai dit non au tout début pour un texte. Mais pour que j’accepte un texte, il faut qu’à la lecture des choses m’apparaissent et que cela me donne envie de dessiner, tout simplement.  C’est assez immédiat, j’ai des images qui me viennent tout de suite.

Pourquoi as-tu choisi la littérature jeunesse ?
Parce que dans la littérature adulte il n’y a pas de dessins. Il y en a un peu dans la presse adulte mais pas dans la littérature. Mais je n’ai pas trop démarché jusqu’à présent, c’est une partie du travail que je n’aime pas trop : en général on ne te répond pas, tu es dans l’attente, ce n’est pas très glorieux.

Comment tu t’organises alors ? Tu as des projets d’éditions réguliers qui te permettent de vivre ?
Non et c’est pour ça que je me suis mise à la céramique car je ne vis pas de mes projets d’édition. Depuis 2011, j’en sors régulièrement mais en vivre c’est hyper dur, ce n’est pas assez bien payé donc il faudrait que j’en fasse beaucoup plus. En fait entre deux périodes de creux, tu es censée démarcher des éditeurs, envoyer ton book, dessiner, envoyer encore de nouveaux dessins, dire « coucou j’existe »… Ce que je ne fais pas. Car dès que je n’ai plus de livres à faire, je me remets à la céramique.

© Rémy Lidereau pour Etonnantes


Ce qui te permet aussi d’avoir une respiration entre deux projets d’illustration ?
Oui car c’est hyper agréable d’alterner les deux. Mais après ça reste un travail donc il faut que j’arrive à trouver un équilibre entre les deux.

Un équilibre que tu n’as pas encore trouvé ?
Ça bouge tout le temps. Cela fait bientôt deux ans que je fais de la céramique en plus de l’illustration, donc peu de temps finalement. Et mon fils est arrivé entre temps, puis nous avons déménagé donc c’est dur de trouver un équilibre mais je me dis que ça se passe quand même très bien et je ne pensais pas que ça se passerait aussi bien d’ailleurs.

Donc aujourd’hui c’est la céramique qui te permet de vivre ?
Oui c’est la céramique qui me rapporte le plus de revenus.

© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Et pour toi ce n’est pas un regret que ce ne soit pas l’illustration qui te fasse vivre ? 
Non pas du tout. Je pense que j’ai attendu assez longtemps, de 2011 à 2017, six ans à se dire que ça va le faire, que ça va décoller … Alors ça marche toujours, ça reste linéaire et on me rappelle mais il n’y a pas le truc qui fait que ça y est, j’en vis.

Parce que tu penses que c’est vraiment possible de vivre de ses illustrations en littérature ?
Je pense qu’il faudrait faire un livre tous les deux mois pour pouvoir en vivre. Moi c’est un livre par an. Après je peux avoir des petits projets, des manuels scolaires qui sont bien payés, tout ce qui est petit dessin ponctuel dans la presse, tu peux être mieux payé qu’un album où il y a plusieurs dessins.

Es-tu contente du rendu de tes illustrations quand elles sont imprimées sur les livres?
Il peut arriver que les couleurs ne soient pas tout à fait identiques à celles du dessin original, mais il faut arriver à relativiser, il faut que je me dise aussi qu’on ne colle pas les originaux aux dessins imprimés, je suis la seule à voir les originaux.

Combien de temps cela te demande pour réaliser les dessins d’un livre ?
Cela va dépendre des délais. Pour un livre, j’avais deux semaines pour faire 36 dessins. C’était un peu court ! Il y a des jours où j’arrivais à en faire cinq-six par jour. Car je n’ai que 4 jours de travail par semaine comme je garde mon fils le lundi, et je déteste travailler le soir parce que je n’ai pas la lumière naturelle. Et je n’ai plus la même organisation qu’avant, quand je pouvais travailler le week-end sans compter mes heures.

Donc le matin tu te mets à ton atelier et tu te dis « on y va ! »
Oui, je carbure ! Et je n’ai pas le droit d‘hésiter. Aussi, il fallait que je change un peu de style, que j’aille vers quelque chose d’un peu plus essentiel. Donc je me suis dit « fais-toi confiance, fais quelque chose d’un peu lâché et ça pourra le faire aussi ».

Et tu as réussi ?
Oui mais j’ai mis du temps à trouver ce qu’il fallait que je fasse.

Quand tu dis qu’il fallait que tu changes de style, c’était une demande que tu avais reçue ?
Oui on me l’avait demandé. Parce que les lecteurs du livre en question étaient un peu plus âgés. Mais c’est chouette car cela me permet de faire autre chose, de faire évoluer ce que je fais. Mais quand on te dit « tu as deux semaines pour faire trente-six dessins dans un style que tu ne maitrises pas encore » et tu ne sais même pas si tu vas y arriver, c’est un sacré défi !

Comment sais-tu que tu vas y arriver alors ?
En me disant que je vais y arriver ! Je suis passée par plein d’étapes, ça ne marchait pas, ce n’était pas beau… Au tout début je faisais des recherches, mais je ne savais pas vers quoi aller.

A quel moment sais-tu que tu as trouvé la direction à prendre ?
J’envoyais mes recherches à mon éditeur et il me disait ce qu’il préférait. J’ai du mal à avoir un recul sur mon travail, c’est hyper dur de s’auto-juger. Travailler seule et être dans le doute et dans le défi de faire autre chose, c’est hyper dur de ne pas avoir de recul.

Cela te dérange de travailler seule ?
J’aime bien être tranquille à travailler mes choses à mon rythme, à écouter ce que je veux quand je veux mais il y a quand même le côté pesant à ne pas avoir de collègues, à être toute seule pendant quatre jours. Heureusement je tiens la permanence de la boutique Tribü de Nantes pendant deux jours par mois mais c’est vrai que de ne pas avoir de collègues peut me manquer.

Comment réalises-tu les soliflores animaux que tu fais en céramique ?
Au départ c’était un chat et ensuite j’ai étendu à plusieurs animaux. Je les modèle à la main et ils n’ont pas tous exactement la même forme donc c’est long ! C’est pour cela que réapprovisionner les boutiques me prend beaucoup de temps car il y a de nombreuses étapes : le modelage, attendre que ça sèche bien, les poncer un peu pour les rendre lisses et enfin les peindre. Les céramiques passent alors au four pour cuire à presque 1000 degrés. La cuisson prend deux jours en tout. Ensuite j’émaille et je recuis une fois de plus pour récupérer mes pièces deux jours plus tard.

Comment distribues-tu tes créations en céramique ?
Sur internet via ma boutique etsy, à la boutique Tribü de Nantes. A Paris mes soliflores sont à retrouver à la boutique Les Fleurs, à Granville à la boutique L’Envolée. J’ai également mes soliflores chez la fleuriste Luzerne à La Rochelle. Après il ne faut pas que je prenne trop de boutiques car je ne pourrais pas suivre ensuite.

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La nature est présente dans toutes tes créations…
Oui je trouve la nature très inspirante, je trouve qu’elle a déjà tout fait ! L’an dernier j’ai illustré un album sur les insectes et j’ai trouvé ça hyper inspirant ! Les formes, les couleurs, les motifs… Je pense qu’automatiquement ce sont des choses que j’aime que je reproduis ensuite dans mes créations.

Et à part la nature qu’est-ce qui t’inspire ?
Comme je te disais, la poésie au quotidien. Mais ça peut aussi être une exposition, même si en ce moment j’ai moins le temps d’y aller. Ou une scène d’un film : une belle image, une belle couleur. Les voyages m’inspirent aussi. Pour moi il suffit d’ouvrir les yeux pour trouver autour de nous énormément de choses inspirantes.

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Qu’est-ce que tes créations racontent de toi ? Est-ce un peu de ton enfance que tu retranscris dans tes dessins ?
J’ai toujours été très attachée à mon enfance, alors peut-être est-ce un moyen de rester un peu dedans. Mais à force de faire des dessins hyper gentils toute la journée, j’en viens parfois à écouter des podcasts de trucs hyper gores ! A un moment il faut décompresser !!
 
Penses-tu réussir à faire évoluer le style que tu as aujourd’hui ?
Oui c’est essentiel ! Et cela se fait naturellement en fait, lorsque l’on fait un travail artistique. On se laisse influencer par de nouvelles découvertes, de nouvelles envies et c’est inconscient. Sinon on s’ennuierait !

Tu restes donc sensible à ce qu’on te demande ?
Oui je suis obligée d’avoir l’œil ouvert. C’est pour cela que j’aime avoir des commandes en céramique car cela m’ouvre sur autre chose, et me permet aussi de travailler en série car les gens aiment bien avoir par exemple six assiettes semblables.

Mais cela reste des séries dont les éléments ne sont pas tous parfaitement identiques?
Oui car je n’aime pas forcément faire plein de fois la même chose. Sauf mes soliflores, car je vois naître des petites bêtes sous les pinceaux, c’est chouette.

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Avant de proposer une nouvelle création tu ne sais jamais ce qui va fonctionner ou pas ?
Non pas du tout, surtout que les goûts varient beaucoup en fonction des régions ! A Nantes, les clients aiment beaucoup les teintes pastel par exemple, en Bretagne les tonalités bleues…. Parfois certaines choses ne marchent pas forcément mais si vraiment j’en suis contente je continue quand même d’en faire, je reste fidèle à ce que j’aime. J’ai envie d’être fière de ce que je propose. En fait ça je n’ai pas envie que cela devienne lassant. J’aime la courte série, la pièce unique, cela me donne envie de rebondir sur autre chose, cela me donne d’autres idées pour faire évoluer la création.

Tu sais déjà ce que tu veux faire en céramique à l’avenir ?
J’ai fait des porte-savons et c’est tout nouveau pour moi. Après j’aimerais refaire du stock en général pour les marchés à voir ainsi que les boutiques que je dois réapprovisionner !

Tu passes donc à côté de ventes quand tu mets la céramique sur pause pour te consacrer à l’illustration ?
Oui peut-être mais je n’ai pas le choix : je suis toute seule, c’est un travail long. Si les gens veulent quelque chose immédiatement, il faut qu’ils aillent dans une grande surface. On ne peut pas accepter d’avoir un travail d’artisan et vouloir que ce soit immédiat, en tout cas pour la céramique ce n’est pas possible. Surtout vu le nombre de fois où les pièces ont des défauts ou sont cassées en sortant du four… Car j’ai beaucoup de pertes quand même. Parfois j’ai un four où il y a très peu de pièces qui sortent bien ! La céramique m’apprend vraiment à prendre du recul, tant que les pièces ne sont pas finies, je ne m’avoue pas gagnante.

C’est avec l’expérience que tu as appris à prendre du recul ?
Oui parce qu’avant je m’énervais quand ça n’allait pas ! A Noël dernier, on venait de déménager, j’avais changé de terre pour mes céramiques et la nouvelle terre faisait que mon émail sautait et j’avais des fours où tous les soliflores étaient foutus ! Des fois c’est vraiment horrible. Heureusement après on en rigole. Mais bien après.

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© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Tu ne regrettes pas de t’être lancée dans une carrière artistique ?
Ah non pas du tout ! Surtout qu’on ne sait jamais si cela ne va pas s’arrêter un jour. Je me dis que j’ai de la chance, que si un jour ça ne marche plus, je retrouverais un autre travail.

Tu arrives à te projeter dans les années à venir ?
Oui, avec un bel atelier ! Là c’est vraiment la prochaine étape. Mais on est surtout hyper contents d’avoir notre maison, ce qui est un vrai challenge quand on est travailleur indépendant. Quand on s’est lancés dans l’achat de la maison, on était deux travailleurs indépendants, c’était inespéré ! Je rêvais d’avoir une maison mais je me disais qu’avec le boulot que je fais ça ne marcherait jamais. Mais en fait si tu te projettes trop, tu as peur de tout ! 

Qu’est-ce qui te plaît dans ton activité ?
La liberté. Celle de dire non si je n’ai pas envie, de tester plein de choses, comme à Paris quand j’ai fait du street-art où j’ai peint de grandes façades. L’illustration me permet de ne pas rester juste sur du papier. Là encore sur les céramiques j’ai l’impression de faire de l’illustration, en 3D. C’est hyper complet et je pense qu’il y a encore plein de choses à explorer. J’aimerais faire du textile à un moment, des robes avec des petits dessins, mais je crois que c’est très compliqué…

© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Donc aujourd’hui tu es heureuse ?
Oui j’estime que j’ai beaucoup de chance. Même si je sais qu’il y a beaucoup de travail derrière et qu’il faut que je me rappelle que je me suis battue pour y arriver, mais je n’ose pas me mettre trop d’étapes, de choses en perspectives parce que je me dis que déjà au jour le jour je profite et on verra ensuite.

Tu arrives justement à profiter au jour le jour sans être angoissée du lendemain ?
Je ne suis pas trop angoissée car je sais que si ça ne marche pas, je change de boulot et je fais un travail alimentaire. Mais j’ai besoin de dessiner pour aller bien donc je continuerai quoi qu’il arrive.

Tu as dû faire face à beaucoup de difficultés avant de pouvoir en vivre comme aujourd’hui ?
Quand j’étais à Paris, j’arrivais à trouver suffisamment de travail pour vivre et être tranquille : avoir assez de boulots en illustration, être payée quand je faisais street-art. Mais en réalité il faut faire « l’écureuil » tout le temps parce que tu peux avoir une grosse commande qui tombe et te rapporte beaucoup d’argent puis plus rien pendant trois mois. Donc il faut mettre de côté, je suis très « écureuil » de nature, je ne suis pas hyper dépensière, je fais attention donc cela ne me pose pas de problème. Et à partir du moment où mon fils est né, j’avais envie d’être plus tranquille aussi, de moins penser à l’argent alors ça tombait hyper bien que mon activité de céramiste démarre à ce moment-là. Je postais des photos de mes céramiques sur internet et on m’a demandé de vendre mes créations. Ce n’était pas du tout prémédité !

© Rémy Lidereau pour Etonnantes
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Tout ton parcours semble être ainsi finalement : les opportunités se sont enchainées de façon assez naturelle.
En fait je n’ai pas réfléchi, j’ai avancé et pendant les moments de galère, j’ai bossé dans des boutiques. Mais je me disais justement que je m’en fichais d’avoir de l’argent, que je préférais plutôt ne pas gagner grand chose mais faire ce que j’aime ! Donc ces passages assez noirs te font relativiser.

Aujourd’hui tu te sens aussi légitime en illustration qu’en céramique ?
Ah oui, pour moi je fais de l’illustration sur un autre support qui est la céramique.

Retrouvez les créations de Solenn Larnicol sur son site etsy : @SolennLarnicol
et son compte Instagram : @Solylaisse

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