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Photographies : Rémy Lidereau pour Etonnantes
En moins de deux ans, elle en a relevé des défis : démissionner de son poste de styliste au sein d’une grande marque de prêt-à-porter ; quitter l’univers de la mode pour rejoindre ceux du design et de l’artisanat ; fédérer des artisans et des designers autour d’un projet porté sur ses seules épaules ; imaginer et lancer Prisme Editions, sa propre market place doublée d’une maison d’édition proposant des créations exclusives de mobilier et de décoration ; préparer l’ouverture d’une galerie nantaise d’un genre nouveau nommée Labo Diva…
Pour quelqu’un qui n’avait jamais envisagé l’entreprenariat comme une possibilité, force est de constater que le pari de Rozenn Ludard semble déjà largement gagné. Une réussite que l’on pourrait aisément mettre sur le compte de sa ténacité, de sa force de persuasion, de son organisation et de sa capacité de travail que l’on perçoit comme étant sans limite. Mais ce serait sans compter sur l’une de ses plus grandes forces, qu’elle a tout intérêt à cultiver avec soin : sa sensibilité. Celle qui lui permet de sélectionner les meilleurs des savoirs-faire de la région nantaise, de déceler la beauté dans une suspension en rotin et scoubidou comme dans un vase en porcelaine ; cette sensibilité qui brille dans ses yeux quand elle évoque avec nous le fait qu’elle devrait s’endurcir pour améliorer son côté commercial. Pourquoi s’endurcir se demande-t-on alors ? La douceur peut être, elle aussi, une arme redoutable. Interview.



Quand et comment est né Prisme ?
Cela a commencé début 2018. Jusqu’en décembre 2017 j’étais styliste et je travaillais dans le milieu de la mode avec tout ce que l’on peut connaître de sa surproduction, du côté fast fashion et à un moment donné, j’ai eu le souhait de prendre le contrepied total de ce que je faisais dans ce milieu-là : réussir à revenir à une production locale, plus raisonnée, ne pas être dans la surproduction avec des stocks à foison pour lesquels on va devoir faire des soldes pour tout écouler. C’est vraiment cela qui a été le point de départ de Prisme : rompre avec la mode et avec la grosse industrie qu’elle représente. Naturellement je me suis alors tournée vers les artisans qui étaient près de chez moi : j’ai commencé à aller voir des ébénistes, des céramistes, des souffleurs de verre et j’étais juste en extase devant leur travail en atelier qui était vraiment hypnotisant.
Tu avais déjà une sensibilité pour l’artisanat et le design ?
Avant d’être styliste j’étais assistante de rédaction pour le magazine Elle Décoration. J’avais donc déjà cette sensibilité. J’ai aussi une formation de designer et la manière dont on m’a fait travailler le produit au Elle Décoration c’était vraiment d’aller dénicher de nouveaux créateurs. A l’époque où je travaillais pour le magazine, ils lançaient le Elle Déco Lab qui n’a pas duré longtemps mais était pourtant super parce que foisonnant de nouveaux créateurs émergents…
Pour la petite anecdote : entre mon travail au Elle Décoration et mon job de styliste, j’ai eu trois mois de chômage et comme je ne sais pas ne rien faire, j’avais lancé un petit magazine en ligne qui mettait en avant des talents émergents du design. En fait je me suis dit « j’ai fait une école d’art, je connais des gens de ma promo qui sont en train de lancer de superbes choses, eux connaissent aussi certainement du monde donc si on mettait ensemble notre réseau de créatifs, on pourrait proposer de nouvelles choses et se faire connaître mutuellement ! ».
“Revenir à une production locale, plus raisonnée, ne pas être dans la surproduction avec des stocks à foison pour lesquels on va devoir faire des soldes pour tout écouler.”
Comme un embryon de Prisme en fait ? Tu avais déjà cette volonté de mettre en avant le travail des autres ?
Oui complètement ! Et je m’en suis rendue compte aussi dans mon job de styliste : c’est beaucoup plus difficile de vendre une création que tu as signée car tu es très affecté par la moindre remarque. Pour Prisme j’ai le recul nécessaire pour dire que c’est super ! Je n’ai aucun mal à dire que les produits Prisme sont magnifiques car je suis certaine de ceux qui les ont faits et même si c’est moi qui les ai sélectionnés, ils portent la signature de super créateurs qui ont de l’or entre les mains. Cela me permet d’avoir la juste distance pour commercialiser au mieux les produits.



Comment sélectionnes-tu les artisans et designers que tu souhaites faire travailler pour Prisme ?
De plusieurs façons : cela peut être suite à des coups de cœur sur Instagram, mais je ne reste pas trop longtemps sur du virtuel. En général, je leur envoie tout de suite un message pour leur demander à ce qu’on s’appelle. S’ils sont dans la région je me déplace, je vais dans leurs ateliers, et ensuite je fais confiance à mon œil, à mon intuition. Je n’ai pas de cahier des charges pour sélectionner des créations pour Prisme si ce n’est que ce soit de l’artisanat, que les gens fassent les choses de leurs mains.
Ce sont donc surtout tes goûts personnels qui entrent en jeu pour sélectionner les pièces ?
Ah oui clairement, c’est très subjectif ! Parce que certes j’ai lâché cette partie création en design mais aujourd’hui ma sensibilité, ma créativité vont vraiment ressortir par la direction artistique de Prisme. J’espère que ce sera le plus cohérent possible mais en tout cas ce ne sont que des pièces que j’aime.
Prisme est donc une market place…
Oui et même plus encore car aujourd’hui Prisme c’est trois facettes : une partie réseau par le biais des « apéros design » qui ont commencé dès début 2018 pour faire se rencontrer des artisans et des designers. À Nantes, on a la chance d’avoir de très bonnes écoles de design et je me demandais où étaient tous ces étudiants qui chaque année sortent avec un diplôme de designer en poche… Je me suis alors rendue compte que c’était difficile pour eux de sortir les produits qu’ils avaient imaginés : ils ont tous des tonnes d’idées, de cahiers de croquis remplis de dessins mais malheureusement les projets restent trop souvent à l’étape de la modélisation 3D ou du prototypage car il faut ensuite du financement, un réseau…
J’ai donc voulu faire se rencontrer des designers et des artisans localement pour que naissent des collaborations et des produits sur lesquels ils peuvent « se lâcher » : tout d’un coup on va se dire « on fait le projet » parce que c’est une rencontre, le designer va aller chercher de la technicité et du savoir-faire auprès de l’artisan et parfois même faire évoluer sa pièce en fonction de lui. Je continue donc ces apéros design à Nantes mais l’objectif c’est de pouvoir atteindre d’autres villes. En 2020 ce sera Toulouse et Lille qui sera la capitale mondiale du design.
La deuxième facette de Prisme c’est de permettre aux artisans ou au designers de proposer sur la market place autant de produits qu’ils le souhaitent à partir du moment où ils ont adhéré au réseau. J’opère alors cette sélection dont on parlait tout à l’heure. Il s’agit de créations exclusives à Prisme : une couleur exclusive sur un produit, une exclusivité de forme… Ce n’est pas forcément un objet complètement inédit car je ne veux pas me fermer de portes non plus ! Par exemple j’ai eu un coup de cœur pour la lampe Léon du Collectif Déviation, qu’ils ont sortie avec un empiètement en chêne clair. J’adore cette lampe et je voulais la distribuer mais eux ne voulaient pas se couper d’une distribution plus large donc on a décidé de faire la « black edition » pour Prisme : elle est donc disponible sur le site en version noire. En fait on essaie de trouver un moyen de s’arranger et de faire en sorte que le produit limité, signé et numéroté, ne se retrouvera nulle part ailleurs.
Cette market place est aussi couplée d’une maison d’édition.
Oui c’est la troisième facette de Prisme : une maison d’édition qui, à ce jour, a développé un seul produit : l’applique murale Alba. Une applique de 70cm de diamètre avec une partie en chêne tressé et une partie en tissu tendu avec un globe en verre sablé. Cette applique est un trait d’union que j’ai pu faire entre l’ébéniste Vincent Hudelot, la tapissière-décoratrice Magali Voirin et l’agence de design global Hivoa, fondée par Mélanie Voisin et Alexandre Hiriart. Le défi a été de réussir à mettre au diapason tous les corps de métier sur un projet qui était quand même très abouti par l’agence Hivoa : cela faisait plus d’un an qu’ils réfléchissaient au projet quand ils sont venus me le présenter.
Il leur manquait juste un déclic, un chef d’orchestre, des relations mais ils auraient pu la sortir eux-mêmes. Seulement, ils ne sont pas designers à la base mais plutôt architectes. Ils sont donc arrivés avec leur création, leur histoire, ils m’ont proposé le produit et ça a été un coup de cœur immédiat alors que c’étaient les tous débuts de Prisme et que je ne savais pas du tout où j’allais : c’était à l’été 2018 et Prisme n’était pas du tout ce que c’est aujourd’hui !



Comment t’ont-ils connue alors ?
Ils m’ont trouvée sur Linkedin. Ils cherchaient à éditer cet objet et en plein été je pense que j’ai été la seule à leur répondre. On a échangé sur Skype, on s’est vus très peu de temps après et ça a fonctionné ! Ils étaient ravis du travail fait par Vincent et Magali sur leur produit et c’est devenu une vraie collaboration : eux ont su lâcher leur création, les artisans ont su se l’approprier, l’interpréter et moi je la mets en valeur dans des expositions et sur le site afin de la valoriser et de la distribuer.
Justement, à quel moment interviens-tu dans la réalisation d’une pièce signée Prisme Editions ? Uniquement au moment de la distribution ou également dans la conception de l’objet ?
Sur ce produit-là je n’avais rien à redire parce que le projet était vraiment très abouti. Les installations me permettent de tester les pièces et lorsque je constate des choses qui ne vont pas, cela me permet de faire évoluer la pièce afin qu’elle soit la plus aboutie possible pour le client.
Qu’est-ce que cela implique d’être une maison d’édition comme l’est Prisme ?
Pour l’applique Alba précisément, cela implique un financement et une manière complètement différente de fonctionner car le designer est rémunéré en royalties : le produit est signé Prisme. Pour l’instant Alba est le seul produit édité par Prisme car pour continuer à valoriser et financer de nouveaux projets, il fallait trouver un moyen rentable de continuer à vivre.
Comment as-tu été aidée sur ces considérations financières qui sont tout sauf anecdotiques ?
Je suis arrivée complètement sur le tas. Déjà de base je n’avais jamais pensé créer un jour ma boîte. Dans mes études pour devenir styliste, on me parlait du fait d’être créatrice de mode, de comment monter sa marque, la protéger avec des cours d’économie-gestion mais à cette époque je n’avais pas envie de ça pour moi. Je ne viens pas du tout d’une famille d’entrepreneurs, c’était hyper éloigné de ce que je savais faire et j’avais encore envie d’apprendre ! Au moment où je cherchais à faire autre chose en 2017, je regardais un peu ailleurs dans d’autres marques mais j’avais l’impression que j’allais faire la même chose autre part or j’avais envie de faire quelque chose de complètement différent. Je n’étais pas devant une page blanche car je savais très bien ce que je ne voulais plus faire, il ne me restait plus qu’à touver comment prendre le contrepied total. La première étape a été de fouiller sur Internet car j’ai quitté mon emploi au 25 décembre 2017 et au 1er janvier 2018, j’étais derrière mon ordinateur en m’imposant un vrai rythme de travail. Heureusement j’avais des allocations chômage sinon cela m’aurait été impossible.
J’ai découvert au hasard de mes recherches un événement qui avait lieu en mars 2018 à Saint-Nazaire : le « Start Up Week End » ! J’avais entendu parler de loin de cette « Génération Start Up » mais pour moi c’était vraiment un autre monde ! Je me suis quand même inscrite, j’ai pris ma voiture et je suis arrivée à Saint-Nazaire pour tout un week-end. Le principe c’est que les participants arrivent le vendredi soir, ils ont tous une minute pour “pitcher” leur idée devant les autres, environ 80 personnes sur cette édition. C’était la première fois que je parlais en public… A la suite du pitch, les gens décident à quel projet ils souhaitent se rallier pour le week-end. Il faut essayer de s’entourer le temps d’un week-end de développeurs, de techniciens, de designers, de rédacteurs, d’avoir la « team » la plus complète possible : des bénévoles qui sont là pour donner des conseils sur le juridique, la comptabilité, la propriété intellectuelle… C’est alors à chaque participant de prendre un maximum de conseils durant le week-end à l’issu duquel on est censé sortir un projet viable que l’on présente à nouveau le dimanche soir devant un jury.
Ma « team » était excellente, ça c’est super bien passé et j’ai eu de très bons conseils ce week-end là : j’ai été coachée, « mentorée » avec des professionnels qui viennent spécialement pour l’occasion. C’est à ce moment que je me suis rendue compte du nombre de personnes qui pouvaient graviter autour d’un projet et de l’ampleur que cela pouvait prendre, mais aussi de l’enthousiasme que les gens peuvent avoir sur une simple idée !
Cela met en confiance évidemment mais cela te fait aussi prendre conscience de la masse de travail qui t’attend. Évidemment le pitch que j’ai fait le dimanche soir était horrible mais la chance que j’ai eu c’est que dans le jury du « Start Up Week-End » il y avait Damien Dumont, le directeur de Maia Mater, un « camp d’entrainement pour primo-entrepreneurs ». Il a bien aimé mon idée, nous nous sommes revus sur Nantes et m’a dit : « tu intègres Maia Mater ». C’est un incubateur entièrement financé par Nantes, Saint-Nazaire et la région Pays de la Loire : il s’agit d’un programme sur trois ans dont la première année est organisée autour d’une expérience de quatre mois non stop durant laquelle tu es nourri, logé, coaché, mentoré. C’est du Loft Story ! Tu vis avec des gens qui ont eux aussi une idée, un projet, et qui souhaitent apprendre à entreprendre. Tu peux donc aussi bien te retrouver avec un étudiant qui veut faire ça plutôt que de faire un stage ou aussi bien avec quelqu’un qui est en reconversion professionnelle. Le spectre des compétences et des projets est hyper large.
Moi qui ai fait de l’internat pendant mes études cela ne m’a pas dérangée sur l’aspect vie en communauté !

Tu n’as pas eu peur de rentrer dans ce programme intensif ?
Je ne partais pas au bout du monde ! Au pire si ça ne se passait pas bien je rentrais chez moi. J’ai plutôt pris ça comme une opportunité incroyable, une espèce de bulle qui te permet de te concentrer en permanence sur ton projet. Moi qui étais toute seule derrière mon ordinateur depuis le mois de janvier, j’ai vécu mon entrée dans ce programme en mai comme une bouffée d’air frais. Il n’y avait pas vraiment de concurrence mais malgré tout quand la personne à côté de toi signe son premier client, tu a envie de travailler encore plus ! Cela m’a permis de mettre un gros pied dans l’écosystème nantais : de découvrir la Cantine Numérique, la Creative Factory, le Start Up Palace… Des structures que je ne connaissais pas du tout. Je me suis rendue compte que Nantes fourmillait de projets et cela m’a fait l’aimer encore plus !
En quatre mois tu as donc bien avancé sur le projet de Prisme ?
J’ai fait un premier « Minimum Viable Product », qui est en gros, la première chose que tu dois avoir pour démarcher ton premier client et valider ton idée. Pour moi c’était un petit site internet où j’expliquais mon concept et montrais quelques produits. C’est avec ça que j’ai commencé à démarcher.
Tu sors du programme avec une petite vitrine sur Internet, un pied dans l’écosystème et un bon réseau d’entrepreneurs sur qui compter en cas de coup dur. Quand tu as vécu pendant quatre mois en autarcie avec des gens, cela crée des liens incroyables. Après il faut savoir reprendre les rennes de son projet, repasser le cap de se retrouver toute seule à travailler et je pense que c’est toujours cette rigueur que je m’impose qui a fait que j’ai eu des objectifs, toujours, sans me laisser aller. Et j’étais aussi malgré tout poussée par mon réseau d’artisans et de designers qui commençait à grandir. Je me sentais responsable, je ne pouvais pas attirer les gens en leur promettant de les mettre en avant et ensuite ne rien faire ! Et plus le réseau augmentait, plus la pression était grande ! Je ne pouvais pas arrêter, j’étais déjà arrivée trop loin.
J’imagine que tu as dû faire face à des moments de doute durant cette préparation ?
Oui tout à fait. Pas sur le projet en lui-même mais financièrement c’était hyper dur. C’est comme ça qu’est arrivée la campagne de financement participatif. Car quand j’ai commencé à m’entourer avec Mathieu le développeur du site fin 2018, mais aussi avec un expert comptable, une avocate, etc… je me suis vite rendue compte qu’il allait falloir beaucoup d’argent.


Tu avais quand même des fonds personnels à investir dans le projet ?
Oui j’avais un peu d’argent car cela faisait cinq ans que je travaillais, j’avais mis de côté. Mais pour un projet comme celui-ci, tout y passe très vite ! Aujourd’hui je ne regrette aucun de mes choix ni de mes investissements, aussi bien en temps passé que financier car même si demain Prisme échoue et que je devais reprendre un travail salarié, je ne serai plus jamais la même ! J’ai appris tellement de choses et rencontré tellement de monde en un an et demi. Et il y a eu la campagne de crowdfunding qui a été une étape forte aussi. C’est très chronophage, cela m’a forcée à prévoir la communication deux mois en avance. Je l’ai lancée en mai et j’avais commencé à la préparer en mars. J’avais commandé à Louise Portier une vidéo filmée en atelier, demandé à Manuela Rodrigues Branco de me faire des illustrations pour communiquer… Sur un projet comme ça, il faut tellement de monde, tellement de compétences différentes que c’est super de pouvoir travailler avec des personnes que l’on apprécie, et aller chercher le savoir-faire de chacun. Heureusement j’ai atteint et même dépassé mon objectif en récoltant plus de 7000€ en proposant des pré-ventes des objets qui figureraient par la suite sur le site. Évidemment mes proches ont été mes premiers soutiens mais la communication s’est plutôt bien étendue de façon locale grâce notamment aux réseaux des artisans et designers qui suivent le projet depuis sa création. Et j’espère que c’est cette émulation de réseau qui va faire la notoriété de Prisme demain.
Tu n’as pas cherché à avoir des financements de la Ville de Nantes ou autre ?
Non pas pour l’instant, je me suis débrouillée par moi-même mais je compte bien me faire connaître auprès d’eux rapidement ! Je m’inscris à beaucoup de rencontres, d’évènements, je noue des relations et me renseigne. Mon ambition pour la valorisation des territoires et surtout pour l’artisanat et le design Français est sans limite. Si, j’avais quand même tenté le concours de la Créative Factory pour une aide à l’accélération dans le domaine des industries créatives et culturelles avant l’été mais je n’ai pas été sélectionnée, peut-être l’année prochaine !
Comment expliques-tu la confiance que t’ont accordée les artisans avant même que Prisme n’existe vraiment ? Qu’est-ce qui différencie Prisme d’une boutique de décoration par exemple ?
Je ne sais pas expliquer pourquoi ils m’ont fait confiance. Mais je ne me considère pas du tout comme une concurrente des boutiques de décoration, je cherche au contraire à ce que l’on soit proches parce qu’on a la même volonté de valoriser des techniques, des savoirs-faire, des créateurs. Il n’y a donc aucune raison de se tirer dans les pattes. À Nantes par exemple, je m’entends très bien avec les gérants de boutique comme L’Inatelier et Mira. Prisme est complètement différent des boutiques dans sa forme, dans le fait que ce soit principalement sur Internet et que l’objectif soit vraiment de recréer des réseaux. Et c’est vraiment ce que j’ai essayé de faire autour des « apéros design », de faire se fédérer des artisans et des créateurs qui se connaissent localement.


Penses-tu qu’Internet puisse être compatible avec l’artisanat et le savoir-faire ? Comment fait-on pour toucher, ressentir les matières ?
Prisme a toujours été voué à être sur Internet mais j’ai tout de suite su qu’il fallait mettre au point des moments de rencontres physiques, que ce soit au sein du réseau Prisme entre les artisans et les designers, ou pour le public, la clientèle. Créer des évènements physiques, par le biais de pop up, de galeries, d’expositions, de salons, c’est très important. C’est pour ça que le lancement de la plateforme de Prisme a été couplé avec l’exposition “Néo Makers” à la galerie de Mélanie Rio au sein du Level Innovative Workplace parce qu’il faut que les différents objets soient visibles et que les professionnels puissent les voir.
Vas-tu alors organiser des rendez-vous physiques réguliers ?
Mon intention c’est également d’avoir des rendez-vous avec des architectes, des décorateurs pour avoir des prescripteurs. Car je compte beaucoup sur le fait que ces architectes et décorateurs puissent être prescripteurs du mobilier Prisme. J’espère être pour eux la valeur ajoutée qui va faire que lorsqu’ils seront sur un projet d’hôtel ou de restaurant, avec une demande de différenciation forte, ils pourront présenter une pièce iconique d’un designer reconnu mais aussi la pièce originale, exclusive, inédite qui a été pensée et conçue localement. C’est à eux que doit servir Prisme aujourd’hui. Le travail de sélection sur la market place c’est donc une vraie curation, faite pour qu’ils puissent avoir un espace où ils trouveront des produits uniques.



Aujourd’hui te sens-tu confiante pour l’avenir de Prisme au vu des nombreux défis que tu as à relever ?
Oui, les défis sont quotidiens ! Il faut que le site fonctionne techniquement, qu’il soit suffisamment bien référencé, alimenté… Car désormais, tout se fera par celui-ci : les artisans pourront me solliciter directement pour adhérer au réseau Prisme en proposant jusqu’à trois produits exemples de leur production, une fois adhérents ils pourront me proposer autant de produits qu’ils le souhaiteront, gérer le suivi des commandes, les étapes de fabrication, les envois… Le tout avec une sélection et une harmonisation afin de garantir la cohérence globale de Prisme.
Mais pour les photos des créations par exemple, comment cela se passe-t-il ? Les artisans doivent-ils te fournir les photos ?
Oui c’est tout de même important mais je prends en charge cette partie sur la plateforme car je la trouve essentielle pour cette harmonie globale dont nous parlions à l’instant. Pour le lancement j’ai travaillé avec Germain Herriau, un excellent photographe basé à Nantes. J’ai été ravie qu’il apporte aussi son regard sur les pièces et je suis ravie du résultat. Je compte ré-organiser des séances de manière régulière au fur et à mesure que les projets arrivent car en plus j’adore le “set design”, le fait de mettre en scène les pièces pour créer des ambiances, donner envie, c’est ce que j’ai appris a faire au Elle Décoration.
Quelles ont été tes plus grandes difficultés à surmonter pour que Prisme voit le jour ?
Franchir les étapes et ne pas savoir combien il en reste derrière. Tu ne boucles jamais ta « do-to list » : elle est infinie !
“Il me semble obligatoire de garder ma sensibilité sinon je perds mon lien avec les artisans.”
C’est stimulant ou angoissant ?
Un peu des deux, cela dépend des jours, de mon état d’esprit. Et il y a des choses à faire sur la « to-do list » qui sont plus sympas que d’autres ! En fait ce que tu ne peux surtout pas faire c’est remettre au lendemain car le lendemain tu as 25 autres choses à faire en plus ! Heureusement faire adhérer les artisans et les designers n’a jamais été une difficulté. Je ne sais pas pourquoi, il faudrait leur demander, mais ils ont cru au projet dès le départ ! Et c’est ça qui me stimule le plus dans les moments de doute, je ne voudrais pas les décevoir.
Peut-être aussi parce qu’il s’agit d’un projet inédit à Nantes ?
Oui et les artisans et designers avaient envie de se rencontrer, ce que je leur ai proposé dès le départ. On a commencé par se rencontrer et c’est vrai que c’est toujours plus fun de monter un projet autour d’un verre quand on est tous créatifs, qu’on a le même langage. Je ne suis pas arrivée avec mes gros sabots de commerciale avec une idée révolutionnaire, je les ai écoutés et le projet s’est monté autour d’eux en fonction de leurs attentes et de leurs besoins.
Tu disais que tu ne venais pas du tout d’une famille d’entrepreneurs. Est-ce à la portée de tous selon toi, de pouvoir monter son projet comme tu as su le faire ?
Non je ne pense pas que ce soit à la portée de tous mais je pense que n’importe qui peut essayer, car sans essayer tu ne peux pas le savoir.
Qu’est-ce que cette aventure t’a apprise sur toi-même ? Sur tes forces par exemple ?
Cela m’a appris que j’étais tenace malgré tout, que je ne me décourage pas facilement. Mais cela m’a aussi appris à travailler sur le fait que je n’ai pas confiance en moi.
Peut-on travailler son manque de confiance en soi ?
Oui bien sûr, je pense que tout se travaille. Après ce sont des sensibilités… C’est peut-être cela qui joue aujourd’hui d’ailleurs : ma sensibilité.
Vas-tu tâcher de préserver cette sensibilité ou dois-tu développer ton côté commercial pour que Prisme fonctionne ?
Je ne sais pas, je suis partagée mais effectivement il faudrait que je m’endurcisse pour cette partie commerciale. Mais il me semble obligatoire de garder ma sensibilité sinon je perds mon lien avec les artisans.


Retrouvez Prisme Editions sur le site internet : prisme-editions.com
et le compte Instagram @prisme_editions
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