C’est une bulle couleur bleu-nuit en plein cœur d’un camaïeu de gris urbain ; un univers organique parmi l’architecture rectiligne et rugueuse de Brest. C’est un monde en soi, flottant entre le ciel et les abysses, invitant aux mystères et aux découvertes pour qui veut bien y plonger. L’atelier de Candice Quédec, alias minuit, est un lieu à nul autre pareil, installé au sein du nouveau tiers-lieu brestois, la PAM. Un espace limitrophe entre le jour et la nuit, entre la lumière et l’obscurité, le songe et la réalité. « Un espace-univers, comme elle le décrit, où tout se répond. » Où dialoguent des coiffes faites d’os de poisson et des aquarelles peintes à l’eau de mer, où sont exposées des photographies anciennes et des voiles de bateaux, où sont alignées des dizaines de bouteilles d’eau signées de noms de plages composant une énigmatique collection… « J’ai ai une cinquantaine ! Je les reçois pour la collection Embruns car désormais, beaucoup de personnes m’envoient l’eau de mer qu’elles ont récoltée et avec laquelle elles souhaitent que je peigne leur aquarelle ».
Tel est le talent de Candice, sa signature : pêcher le singulier dans l’universel, savoir susciter l’émerveillement avec le brut, réussir à sublimer pour mieux sensibiliser. Bercée par l’appel de l’horizon marin depuis son enfance pourtant vécue loin de la côte, elle a fait de l’océan et ses secrets, un médium en soi et une inspiration sans limite. Un « champ de liberté », qui lui permet d’exprimer aujourd’hui son art et son identité ; un espace à protéger aussi, pour lequel elle convoque l’onirisme et l’évasion. « Si l’on veut mener une démarche de protection des océans, sensibiliser tout le monde, créer une émulation, il faut que les gens rêvent ! » Entre ses mains alors, le bleu se fait lumière, l’éclat de la nuit devient stellaire et le voyage est partout, à portée de rêve.
Quand on l’écoute, raconter de sa voix douce et posée ses voyages en Islande et ses études artistiques, son présent tumultueux de jeune artiste et sa passion pour les « zones entre-deux », on se laisse porter par le flot de ses mots, précis, réfléchis, inspirants ; et dans ses iris bleu-Atlantique on embarque ainsi avec plaisir à bord du sous-marin de minuit. Entretien.
Tu fais de la photo, tu écris, tu peins à l’aquarelle, tu fais des installations… Qu’exprimes-tu à travers ces différentes techniques ?
J’aime l’idée de ne pas être spécialiste d’une technique. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la thématique que je développe. Je travaille exclusivement autour du monde sous-marin, qui me fascine. Il m’évoque le rêve, la fantasmagorie, le mystère, car sous la surface on n’y connaît pas grand chose. Pourtant, je ne suis pas fille de marin ! Mais quand j’étais jeune, j’étais amoureuse de celui qui devait certainement être le seul marin de la région parisienne (rires) et ensemble on a un peu navigué, cela a été une ouverture sur ce monde de l’eau. Lorsqu’on ne se sent pas bien dans son quotidien, l’océan peut représenter un champ de liberté. Alors je me suis complètement plongée là-dedans, jusqu’à ce que cela devienne mon identité. Et en cherchant dans ma généalogie, j’ai trouvé beaucoup d’ancêtres qui vivaient à Brest (…)
Étonnantes n°5
La revue ÉTONNANTES N°5, c’est : 144 pages / 0 pub d’interviews & de portraits de femmes libres, engagées, passionnantes Les interviews au long cours de 14 femmes Étonnantes : une enseignante, une cheffe, une artiste, une navigatrice, une musicienne, une kinésithérapeute pour enfants en situation de handicap… et bien d’autres personnalités passionnantes ! Mais…
Si l’on veut mener une démarche
de protection des océans,
sensibiliser tout le monde,
créer une émulation,
il faut que les gens rêvent !
Candice Quédec alias minuit
Photographies : Rémy Lidereau pour Etonnantes
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