Nadia Al Soleman : “Sans liberté, on ne peut ni rêver ni réaliser quoi que ce soit.”

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Il est des rencontres comme des leçons. Des modèles de courage, de générosité, d’humilité. Nadia Al Soleman est de celles-là ; inoubliable. L’intensité de son regard, la force de son témoignage, la chaleur de ses rires, nombreux, comme pour dédramatiser chacune de ses phrases bouleversantes : tout cela nous reste en mémoire, à vif, longtemps après notre rencontre. 

Née à Homs en Syrie il y a 38 ans, Nadia Al Soleman a dû fuir son pays d’origine quand la vie de son mari a été mise à prix parce qu’il s’opposait au régime. « Mon beau-père, a été tué pour se venger de son fils, avec des messages adressés directement à mon mari lui disant ‘tu es le suivant’. » C’est en France qu’elle trouve refuge en 2015, avec son époux et leur fille aînée. Ici, commence alors un autre de ses combats, pour reprendre des études, faire valoir ses dix ans d’enseignement en tant que professeure de français en Syrie. Elle se heurte aux préjugés qui accompagnent l’arrivée des personnes migrantes, aux paroles blessantes et aux tentatives de dissuasion, aux nombreux obstacles qui jalonne le chemin des allophones, pour qui la langue maternelle est une langue étrangère en France. Mais Nadia tient bon, avance malgré les obstacles. Elle a déjà éprouvé dans sa chair les conséquences de la résistance, elle n’a plus peur. « Quelques fois, nous faisons preuve de courage sans savoir d’où il vient. » 

Dès son arrivée en France, elle devient bénévole pour l’aide aux devoirs, au cœur de villages français où elle n’a pas choisi de vivre, où elle ne connaît personne. « On nous a dit : ‘Quand on ne travaille pas, on n’a pas le droit de choisir où l’on habite.’ » Qu’à cela ne tienne, Nadia Al Soleman choisit alors d’aider les autres. Ce choix-là, personne ne pourra le lui refuser. « J’aidais les autres parce que moi aussi j’avais besoin d’aide. » Elle rencontre d’autres familles allophones, des parents et des élèves en difficulté car ne comprenant pas les codes de l’école française. Faut-il parler aux enseignant·es chaque jour ? Comment s’investir dans la scolarité de son enfant ? Comment créer du lien entre la famille, l’élève et l’école ? Autant de questions que Nadia se pose, pour elle-même comme pour les autres. Sa générosité en étendard, elle décide donc de monter une association pour aider les familles nouvellement arrivées en France à en comprendre le système scolaire, la société en général. En janvier 2021, elle fonde l’association Area à Nantes ; nouvel acte de bravoure dans le parcours de cette âme forte et persévérante – « je souhaite monter cette association depuis 2016 ! ». À la vingtaine d’élèves inscrits, elle et son équipe de professeur·es proposent des cours particuliers et des ateliers de groupe ; du soutien moral, aussi, pour ces enfants qui ont plus de risques que les autres de décrocher de l’école, car étant mal orientés, sous-estimés et parfois discriminés. 
Et puisque rien ne l’arrête, Nadia Al Soleman est aussi présidente de l’association Singa Nantes, un incubateur dont elle a fait partie pour créer Area et qui « accompagne les porteurs et porteuses de projets nouvellement arrivé·es en France ou les locaux qui ont des projets en lien avec la migration ». Un programme d’inclusion pour lequel elle « oriente beaucoup de femmes ». Des femmes migrantes qui pour la plupart, « ne travaillaient pas avant d’arriver en France » et à qui elle tient à démontrer l’importance de l’autonomie financière, la valeur du travail, la nécessité de se construire une vie à soi, à l’extérieur d’un foyer parfois violent. « C’est un projet qui me tient vraiment à cœur d’accompagner ces femmes migrantes, il faut que je trouve le temps et l’argent ! On le fera ensemble un jour, toi et moi ? » Et elle rit, à nouveau, étincelante de courage. Inoubliable. 

Comment est née l’association Area ?
En 2015, je suis arrivée en France pour fuir la Syrie, où j’étais professeure de français au lycée. Lorsqu’on arrive en tant que réfugié·e en France, on essaie de nous orienter vers ce que l’on appelle des métiers en tension, mais je voulais continuer à enseigner, alors j’ai décidé de reprendre des études ici. J’ai suivi deux ans de master Français langue étrangère (FLE) à l’université de Nantes, puis j’ai commencé à faire des stages dans toutes les structures accueillant des migrant·es et proposant des cours de français. J’ai été déçue de constater qu’il n’était pas automatiquement proposé aux migrant·es d’apprendre le français, alors que c’est indispensable pour notre intégration : sans la langue (…)

L’interview de Nadia Al Soleman est à lire en intégralité dans Etonnantes N°5
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Quand je vois, en France,

les filles dans la rue crier, parler, rigoler,

je me dis que moi, j’ai perdu 32 ans de ma vie !

Nadia Al Soleman

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